Si je dois retenir un lieu où j’aime promener l’objectif de mon appareil photographique, ce serait bien dans la médina de Moroni.
Dans ces ruelles étroites aux multiples méandres qui donnent parfois l’impression au visiteur de tourner en rond, on peut y passer des heures à observer les maisons alignées, serrées les unes contre les autres comme pour se protéger de l’usure du temps.
En quittant la route principale, en laissant derrière le bruit des voitures, les klaxons intempestifs de conducteurs impatients ou les marchands ambulants, on pénètre doucement dans les entrailles de la médina.
Au fur et à mesure qu’on avance entre les maisons, un silence remplace petit à petit le vacarme de la vie quotidienne. Un silence qui s’impose et accueille généreusement le bruit irrégulier de pas, le flux de va-et-vient.
De temps en temps, une voix, quelques cris d’enfants en train de s’amuser, et parfois même avec un peu de chance, quelques versets du Saint Coran psalmodiés par des enfants depuis leur chioni parcourent les venelles avant de s’évanouir.
Ici dans les coins et recoins, en s’interrogeant sur la manière dont cette vieille ville a grandi et traversé le temps, on se sent démuni.
La mémoire est incapable de remonter plus loin dans le passé et voir comment ce qu’on appelle aujourd’hui la médina a posé sa première pierre. Comment elle a grandi? Comment se sont formées ces ruelles tordues, angulaires. Comment sont nées ces frontières invisibles qui délimitent tous les quartiers qui composent la médina.
À chaque tournant dans ces ruelles labyrinthiques, on peut y faire une rencontre:
Une vieille connaissance, un résident souriant prêt à engager la conversation ou un regard furtif par l’entrebâillement d’une porte.
Ce regard, bien qu’interrogateur, sait facilement reconnaître le simple passant et le visiteur qui est là pour admirer les quelques portes en bois sur lesquelles sont sculptées des motifs complexes ou des caractères arabes. Traces encore visibles du travail de précision des artisans d’antan.
À certains endroits en levant les yeux, les bords des toits, très rapprochés les uns des autres, donnent l’impression que les maisons déploient un dernier effort pour cacher le ciel.
Mais c’est ici que s’opère une magie. La façon dont la clarté du jour s’immisce, entre certains angles de maisons ou tournants se crée un jeu d’ombre et de lumière qui varie selon la trajectoire du soleil tout au long de l’année.
Demander où se trouve la mosquée la plus proche correspond à trouver une sortie.
On quitte la médina comme après un voyage, en découvrant les petits riens qui réveillent la curiosité et qui font la beauté de ce lieu. Ces petites choses auxquelles on ne prête pas attention parce que la vie vous appelle ailleurs.
Maintenant il est temps de partir. Pour le visiteur, quelque soit l’endroit où il se situe dans la médina, demander où se trouve la mosquée la plus proche correspond à trouver une sortie. C’est ainsi que les anciens ont bâti ce qui est devenu une vaste maison familiale, comme pour leur permettre d’un commun accord depuis l’autre monde d’insuffler la bénédiction à leurs descendants.
Texte écrit par Mahamoud Kanayakine photographe